« La DS », Gabriel Orozco, 1993, Propriété du Fonds National d’Art Contemporain, N°inventaire FNAC 94003.
La DS de Gabriel Orozco est l’une des plus célèbres réalisations de l’artiste. Il s’agit de son travail le plus imposant en taille: il a découpé une Citroën DS en trois parties dans le sens de la longueur, retiré la partie centrale et assemblé les deux parties latérales par la suite. Il en résulte une voiture en forme de flèche. La particularité de cette pièce tient aussi dans le fait qu’elle a été conçue pour être à la disposition des observateurs qui, initialement, devaient pouvoir prendre place sur les sièges et ouvrir portières, coffre et capot.
L’œuvre a été créée à l’occasion de sa première exposition en France, à la galerie Chantal Crousel en 1993, à partir d’une épave de la voiture française emblématique des années 1960. La voiture prend alors un aspect qui amplifie à la fois l’aérodynamisme du design et « l’aura » du véhicule (se résumant alors à sa silhouette particulière).

L’artiste souhaite alors que l’objet, désormais unique et à son tour mythique, parcourt le monde de l’art et s’ouvre à chaque visiteur qui le désire. « La raison pour laquelle vous aimez la DS a quelque chose de très sexuel; c’est pour cela qu’un objet vous attire, que vous voulez le posséder, que vous établissez une relation avec lui… »1. Les travaux sur l’œuvre d’Orozco ont aussi montré que l’artiste met en valeur sa réaction face à l’espace (physique, culturel, social) qu’il rencontre 2. Orozco est fréquemment considéré comme un artiste appartenant au courant post-minimaliste, comme a pu le définir le critique américain Robert Pincus-Witten en 1971 dans un article pour la revue Artforum .Il souhaitait souligner par là le caractère périssable et éphémère des créations artistiques composées de matériaux dont l’homme ne maîtrise pas l’évolution3

Le travail d’Orozco a connu une évolution au cours de la décennie des années 1990, période durant laquelle il réalise « La DS ». Il abandonne la pratique de la sculpture traditionnelle pour s’intéresser au paysage urbain et aux objets de la vie quotidienne. Il entame alors un travail dont le but est de transformer les notions conventionnelles de réalités par l’éveil de l’intérêt et de l’imagination du spectateur. Il utilise à ces fins des objets communs pour générer subtilement des métaphores. L’usure apparente des objets en souligne l’intérêt qui dépasse alors leur matérialité objective pour interroger le spectateur sur les raisons et le contexte de leurs existences (sociales, économiques, géographiques etc.).
Avant d’envisager la restauration et la conservation d’un objet de cette période comme « La DS », il est donc important de s’interroger sur l’utilité et le bien fondé des interventions éventuelles. A ces fins, un échange constructif et documenté avec l’artiste est souhaitable pour définir une ligne de conduite déontologique lors du traitement par l’univers de la conservation-restauration des œuvres de Gabriel Orozco.
1. STORR R. « Gabriel Orozco, technique de l’énergie » in Art Press, n°225, juin 1997, pp 20-27.
2. Loc. cit.
3. FRIDE-CASSARAT P. et MARCADE I. « Post-minimalisme » in Les mouvements dans la peinture, Paris: Ed. Larousse, 2005, p. 206.